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Devoir de Vigilance des entreprises KO; Quel impact pour le marketing et la communication ?

Le démantèlement de la directive européenne sur le Devoir de Vigilance des entreprises (CS3D) par le Parlement européen en novembre 2025, au nom de la simplification réglementaire et de la compétitivité, envoie un signal ambivalent.

A LA UNEPERFORMANCE DURABLE

Jean-François FORT

11/21/20253 min read

Voici les impacts sur le marketing et la communication, ainsi que les arguments cruciaux pour maintenir une ambition de réduction des impacts.

1. Impacts sur le Marketing et la Communication (MarCom)

Le recul de l'ambition européenne modifie le paysage de la communication de la manière suivante :

A. Montée du risque de greenwashing (Réglementaire)

La suppression du régime de responsabilité civile harmonisée au niveau européen et le renvoi aux législations nationales retirent un outil dissuasif majeur.

  • Conséquence MarCom : Certaines entreprises moins rigoureuses, non soumises au champ d'application réduit de la CS3D (seuil relevé à 5 000 salariés et 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires), pourraient être tentées d'adopter des communications purement déclaratives sur leur "engagement" sans mettre en place les procédures de vigilance adéquates. Le risque de greenwashing par l'absence de vérification légale standardisée s'en trouve accru, nécessitant une vigilance accrue des parties prenantes.

B. Différenciation par l'ambition volontaire (Compétitif)

Puisque le cadre légal minimal européen est affaibli, l'engagement devient un puissant outil de distinction.

  • Conséquence MarCom : Les entreprises françaises qui continuent d'appliquer rigoureusement la loi nationale de 2017 et qui vont au-delà de la conformité (légale minimum) peuvent transformer leur rigueur en avantage concurrentiel. Leur communication doit désormais mettre l'accent sur les labels tiers ambitieux (B Corp, objectifs SBTi, etc.) et la transparence des données (CSRD), prouvant que leur engagement n'est pas contraint, mais stratégique.

C. Focalisation sur le droit national et le litige (Légal)

Malgré le recul européen, la loi française de 2017 reste en vigueur et a déjà fait l'objet de plusieurs actions en justice (TotalEnergies, BNP Paribas, etc.).

  • Conséquence MarCom : Pour les grandes entreprises françaises, le discours ne peut pas se relâcher. La communication doit toujours démontrer l'existence et l'efficacité de leur Plan de Vigilance comme mécanisme de protection contre les litiges. Pour les PME et ETI, même si elles échappent à la CS3D affaiblie, ignorer les principes du Devoir de Vigilance les expose à la pression des ONG et des donneurs d'ordre (qui eux y sont soumis) ainsi qu'au risque de réputation.

2. Arguments pour une performance durable

Renoncer à réduire ses impacts, c'est renoncer à une performance durable. Les arguments pour convaincre les entreprises françaises de maintenir leurs efforts au-delà de la loi minimale sont triples :

Argument 1 : Le coût du capital et l'exigence financière

Le recul de la CS3D n'annule pas les autres réglementations européennes, notamment celles qui encadrent la finance et le reporting :

  • La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) : Elle oblige les grandes entreprises à publier des informations détaillées sur leurs impacts (double matérialité). Une mauvaise gestion des impacts se traduira par de mauvais chiffres dans le rapport de durabilité, rendant l'entreprise moins attractive pour les investisseurs ESG.

  • La Taxonomie Verte et le SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) : Ces textes obligent les gestionnaires d'actifs à identifier et exclure les entreprises présentant des risques ESG élevés. Négliger les impacts dans la chaîne de valeur (droits humains, environnement) augmente le risque de transition et le risque de réputation, entraînant un coût du capital plus élevé ou l'exclusion pure et simple de certains fonds.

  • Conclusion : L'investisseur n'achète plus la conformité, il achète la résilience.

Argument 2 : La marque employeur et la guerre des talents

Le sens est devenu un facteur déterminant pour l'attraction et la rétention des talents, en particulier les jeunes générations.

  • Fidélisation des Talents : Les collaborateurs veulent travailler pour des entreprises dont les valeurs sont alignées sur la réduction des impacts sociaux et environnementaux. Une entreprise dont le manque de vigilance fait la une (par exemple, concernant le travail forcé dans sa chaîne d'approvisionnement) subit une crise de moralité et d'engagement interne.

  • Attraction des Compétences : Les meilleurs ingénieurs, marketeurs et stratèges préfèrent les entreprises qui ont des plans de transition ambitieux. Renoncer à l'impact, c'est se condamner à un appauvrissement du capital humain.

Argument 3 : La résilience opérationnelle et l'anticipation du marché

L'enjeu du devoir de vigilance n'est pas de faire plaisir aux ONG, mais de sécuriser l'activité de l'entreprise face aux chocs futurs.

  • Sécurité de la Chaîne d'Approvisionnement : L'évaluation proactive des risques (climatiques, sociaux) des fournisseurs permet de prévenir les ruptures de stock, les grèves ou les catastrophes écologiques qui peuvent paralyser l'activité.

  • Inversion de la Priorité : Les entreprises qui réduisent leurs impacts intègrent l'externalité (le coût environnemental et social) comme un coût interne, développant ainsi des modèles économiques intrinsèquement plus performants et prêts pour un futur réglementaire inéluctable. La loi minimale européenne n'est qu'un retard temporaire ; la réalité du marché et du climat imposera la vigilance.